Amorcé en janvier 2020, le projet Pic’Let est le fruit d’une collaboration entre Alliance R&D, association composée de plusieurs entreprises françaises d’élevage porcin (parmi lesquelles figurent Choice et l’IFIP (institut du porc)), et Neotec-Vision, partenaire spécialisé dans l’imagerie numérique.
Qu’entend-on par « phénotype de maturité du porcelet » ?
Depuis plusieurs années, l’efficacité de la sélection génétique sur le nombre de porcelets nés vivants s’est fortement améliorée (+1,9 porcelet né vivant entre 2014 et 2018) et continue de progresser au sein des lignées maternelles de référence Large White et Landrace français. Parallèlement à cela, le nombre de porcelets sevrés augmente aussi, mais à un rythme plus lent. La mortalité des porcelets avant le sevrage est donc en augmentation.
Réduire la mortalité dans les premiers jours de la vie d’un porcelet demeure un réel défi, tant du point de vue du bien-être animal que du point de vue économique.
Des recherches ont montré qu’un porcelet pesant moins de 1,2 kg à la naissance avait moins de chances de survivre. Le poids à la naissance peut dès lors constituer une piste de sélection pour lutter contre la mortalité avant le sevrage. Le caractère « poids des porcelets à la naissance » figure ainsi depuis plusieurs années parmi les objectifs de sélection de Choice au sein des lignées maternelles M3 Large White et M6 Landrace.
Le poids à la naissance du porcelet n’explique cependant pas tout à lui seul ; en effet, il existe deux types de petits porcelets. Un porcelet avec un faible poids à la naissance peut s’être développé normalement ou avoir connu un retard de croissance intra-utérin. Ce retard de croissance intra-utérin s’exprime à travers un développement du cerveau prioritaire par rapport aux autres organes, ce qui se traduit par un taux de survie moindre pendant l’allaitement et un rendement de production réduit dans le cas où le porcelet survit. Les différents stades de développement du cerveau par rapport aux autres organes sont appelés « phénotype de maturité du porcelet ». Il existe trois phénotypes différents :
- Phénotype de maturité normale : définit un porcelet bien développé (A).
- Phénotype de maturité légère : définit un porcelet présentant un petit retard de croissance intra-utérin, qui s’exprime à travers un crâne légèrement bombé, un groin plus petit, des yeux légèrement exorbités et des oreilles fines (B).
- Phénotype de maturité sévère : définit un porcelet présentant un retard de croissance intra-utérin sévère. Le porcelet a un crâne très bombé, un très petit groin, des yeux exorbités et des oreilles fines collées au cou (C).
Ce phénotype peut notamment être mis à profit dans un programme de sélection génétique, à travers le calcul du caractère « Proportion de porcelets immatures chez la truie », qui sera analysé comme un caractère de la mère. Pour chaque mise bas, le nombre de porcelets légèrement et sévèrement immatures est comptabilisé, et une proportion est calculée par rapport au nombre total de porcelets :
Une étude de 2018 (Matheson et al.) montre que ce caractère a une héritabilité de 0,19 et qu’il est positivement corrélé à la taille de la portée (0,23) ; cela signifie que plus la portée est grande, plus la proportion de porcelets immatures est élevée. Cette situation étant défavorable, elle peut représenter un nouvel outil de sélection pour améliorer la qualité des portées et réduire la mortalité avant le sevrage.
Prototype et protocole utilisés chez Choice
L’objectif du projet Pic’Let est de développer un outil capable de mesurer ce phénotype de maturité de manière automatique et objective au sein des élevages de sélection.
Cet outil doit permettre de prendre des photos de la tête du porcelet de manière standardisée tandis que l’animal est maintenu immobile dans un dispositif spécial. Le dispositif comprend une gouttière (dans laquelle repose la tête du porcelet), ainsi qu’un système coulissant (donc adaptable) qui maintient l’arrière-train du porcelet plus haut que sa tête pour l’empêcher de bouger. Ce processus est indolore, rapide et remplace la notation subjective réalisée par le préposé à la mise bas.
Les photos sont prises au moment de la pesée du porcelet, dans les 24 premières heures de sa vie. Le prototype, développé par Neotec-Vision, utilise un algorithme de deep learning pour analyser les photos en fonction des traits précédemment mentionnés, qui sont caractéristiques de la tête d’un porcelet immature.
La méthode deep learning repose d’abord sur une phase d’apprentissage de l’algorithme. Durant cette phase initiale, l’algorithme est entraîné à reconnaître un porcelet immature à l’aide d’une banque d’images soigneusement sélectionnées et annotées en fonction du phénotype de maturité des porcelets. L’algorithme découpe l’image en petites zones caractéristiques pour établir une base d’apprentissage.
Plus le nombre d’images fournies à l’algorithme est élevé, plus l’algorithme parvient à distinguer efficacement les différents phénotypes de maturité au fil du temps. Vient ensuite la phase de test, au cours de laquelle des images de porcelets sont présentées à l’algorithme de façon aléatoire. Cette phase est cruciale pour déterminer si l’algorithme fonctionne correctement.
Pour chacune des populations mesurées (M6 Landrace et M3 Large White), la grande majorité des porcelets ont un phénotype de maturité normal. Les trois phénotypes de maturité se retrouvent chez les porcelets pesant moins de 1 kg à la mise bas. Plus le poids d’un porcelet à la naissance est élevé, moins il est susceptible de présenter un phénotype immature.
À l’heure actuelle, l’algorithme peut détecter un porcelet immature avec une sensibilité de 89 % et une spécificité de 74 %, ce qui signifie que l’algorithme détecte un porcelet immature dans 89 % des cas et un porcelet mature dans 74 % des cas. Ces premiers résultats sont encourageants, mais il est important de confirmer les tendances observées en augmentant le nombre d’images de porcelets à la naissance.
Ce projet ouvre la voie à une méthode automatisée et objective de collecte du phénotype qui n’augmente pas la charge de travail du personnel préposé à la mise bas. La collecte et l’enregistrement continus de la maturité du porcelet à la mise bas et la compréhension du rôle que joue cette maturité dans la survie des porcelets nous permettront d’utiliser ce caractère pour augmenter la rentabilité des clients de Choice dans le monde entier.
Références
André L., Manceau J., Gauthier V., Liaubet L., Bonnet A., Monziols M., Brenaut P., « Développement d’un outil d’enregistrement automatique de la maturité du porcelet. » Journées Recherche Porcine (2021), 53, p. 49-50.
Brenaut P., Outil d’enregistrement automatique de la maturité du porcelet (2021). [en ligne]. Accessible sur le site de l’IFIP (France) via le lien : https://ifip.asso.fr/outil-denregistrement-automatique-de-la-maturite-du-porcelet/
Matheson S.M., Wailing G.A., Edwards S.A., « Genetic selection against intrauterine growth retardation in piglets : a problem at the piglet level with a solution at the sow level » (2018). Genetics Selection Evolution., 50, p. 46.